Au Burkina Faso, petit pays d’Afrique de l’Ouest, un grand nombre d’enfants ne peuvent plus vivre une enfance normale. Fermetures d’écoles, crise alimentaire et migrations sont le quotidien de ces jeunes. L’association Terre des Hommes Suisse est présente dans le pays et mène diverses actions pour leur venir en aide.
ADRIEN QUIROZ
Une situation critique
En juin 2021, dans la région du Solhan au Nord du Burkina Faso, plus de 100 personnes, dont des enfants, ont été massacrées par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, un groupe djihadiste. Ce genre d’évènement est fréquent au Burkina Faso depuis le début de la crise politique, amorcée en 2014, qui a vu se succéder plusieurs coups d'État, dont deux rien qu’en 2022. Ces drames fréquents forcent de nombreuses familles à quitter leurs villages.
Au 20 septembre 2022, sur une population totale de 21 millions d'habitants, on compte plus de 1.7 millions de personnes déplacées, dont plus de la moitié sont des enfants. Ces déplacements ont un fort impact, notamment psychologique, sur les enfants. Selon un rapport de l’ONG Save the Children, sur 10 enfants, en moyenne 8 ont expérimenté directement de la violence en lien avec les conflits.
L’enrôlement des jeunes dans des groupes armés est récurrent et est un problème propre à plusieurs États de la région. En ce qui concerne l’attaque de Solhan, la majorité des soldats avaient moins de 14 ans, et ce n’est malheureusement pas un phénomène isolé.
Des conflits qui mènent à la faim
A ces différents conflits s’ajoute, dans le Sahel, une crise humanitaire croissante, qui est une conséquence même de cette insécurité. De plus, la pandémie de Covid-19 a fortement détérioré la situation alimentaire du pays. En 2020, différentes organisations humanitaires ont apporté leur soutien à plus de 5 millions d’enfants, dont la moitié sont considérés en situation de malnutrition sévère, notamment dans le Nord du pays. Le Burkina Faso se retrouve donc dans une spirale entre crise alimentaire, politique et sécuritaire.
Quelles conséquences ces événements ont-ils sur les enfants burkinabés ? Tout d’abord, un grand nombre d’entre eux se retrouvent dans l’impossibilité d’aller à l’école. En raison du risque sécuritaire, 4258 écoles ont fermé leurs portes. Les parents ne pouvant pas toujours s’occuper de leurs enfants à la maison, cette condition mène souvent à des mariages forcés, au travail des enfants et parfois à des violence.
Comme l’illustre le massacre de Solhan, l’enrôlement dans des groupes armés est fréquent. De plus, la crise humanitaire affecte énormément les plus jeunes, qui ont souvent besoin de traitements, physiques ou psychologiques, d’urgence. Il est donc difficile, voire impossible, pour beaucoup de vivre une enfance normale.
Les actions de Terre des Hommes Suisse
Terre des Hommes Suisse est présente au Burkina Faso et soutient la mise en œuvre de différents programmes sur l’éducation, la protection et la participation avec 5 partenaires locaux. Une des plus grandes priorités est de permettre aux enfants l’accès à l’éducation. Avec le nombre élevé de fermetures d’écoles et les déplacements qui y sont liés, des familles entières se voient obligées de s’installer dans d’autres régions et se retrouvent dans des camps.
Terre des Hommes Suisse soutient, par exemple, la mise en place de classes passerelles pour les enfants déscolarisés ou n’étant jamais allés à l’école. Après 9 mois, les écoliers passent un examen qui permet de déterminer leur niveau et de les intégrer dans les écoles publiques. Avec une présence dans certaines régions très affectées par les conflits, une grande attention est portée sur l’environnement protecteur des lieux de formations soutenus.
Dans un contexte de tensions, les violences peuvent facilement devenir habituelles. Les cas de maltraitance, d’excisions ou de mariages forcés sont fréquents. Pour y faire face, il existe des comités communautaires de protection de l’enfance, soutenus par Terre des Hommes Suisse. Quand un enfant perd ses parents, il est parfois accompagné et confié à quelqu’un de la communauté, mais ce n’est pas toujours suffisant.
Une autre thématique clé qui tient très à cœur à Terre des Hommes Suisse est celle de la participation des enfants et des jeunes. Au Burkina Faso, cela se fait surtout au travers de clubs d’enfants ou dans les écoles. Les jeunes se familiarisent avec leurs droits, dont font partie, notamment, la non-violence et le respect de l’autre. Un tel apprentissage est important pour tenter, par exemple, de diminuer l’enrôlement dans des groupes armés ou le travail forcé.
En effet, il ne faut pas oublier les différentes problématiques concernant les droits des enfants, fréquentes en Afrique subsaharienne, telles que le travail dangereux dans les mines. Au Burkina Faso, les comités communautaires soutenus par Terre des Hommes Suisse permettent de suivre les cas de violence et les situations de travail dangereux dans les sites informels de recherche d’or.
L’aide humanitaire, seul espoir ?
Pour venir en aide aux populations touchées, différentes organisations comme Terre des Hommes Suisse soutiennent les populations locales et fournissent une aide d’urgence qui est nécessaire pour la survie de beaucoup de Burkinabés. Mais l’aide humanitaire fait face à de nombreux défis. Beaucoup de régions sont difficiles d’accès et certaines sont fréquemment en proie à des attaques.
De plus, l’UNICEF estime qu’un million de personnes sont inaccessibles. Des dizaines de voies de communication sont coupées soit par les groupes terroristes, soit par les inondations. Ces routes et ces ponts détruits empêchent les habitants d’accéder aux denrées alimentaires et à l’aide humanitaire. De manière générale, le mauvais accès à internet et le manque de données officielles rendent la tâche difficile pour les différentes organisations présentes sur place..
Malgré une situation très tendue, certaines avancées ont été faites. En 2017, La Safe schools declaration a été signée par le gouvernement burkinabé. Cet accord politique intergouvernemental vise à protéger l'éducation dans les conflits armés. Elle a eu un effet positif en diminuant les attaques sur les écoles, néanmoins, selon certaines organisations, ce n’est pas suffisant et il reste beaucoup de travail à faire pour permettre aux petits Burkinabés de suivre une éducation correcte.
Un grand merci à Monica Sanchez Bermudez, Chargée de Programme Afrique-Haïti pour Terre des Hommes Suisse, pour le partage de ces précieuses informations.
SOURCES
LE MONDE, « Burkina Faso : de l’euphorie de 2015 à la chute d’un président ébranlé par la crise djihadiste », 2022. [En ligne], consulté le 08.11.2022. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/02/02/burkina-faso-de-l-euphorie-de-2015-a-la-chute-d-un-president-ebranle-par-la-crise-djihadiste_6112068_3212.html
SAVE THE CHILDREN, « The Central Sahel: A children’s crisis », 2020. [En ligne], consulté le 08.11.2022. https://resourcecentre.savethechildren.net/pdf/sahel_brief_3.pdf/ SAVE THE CHILDREN, « Save the Children shocked by recent killings of children in Burkina Faso, Save the Children », 2021. [En ligne], consulté le 12.11.2022. https://www.savethechildren.net/news/save-children-shocked-recent-killings-children-burkina-faso THE NEW HUMANITARIAN, « In post-coup Burkina Faso, jihadist attacks grow fiercer despite junta pledge, The New Humanitarian », 2022. [En ligne], consulté le 08.11.2022. https://www.thenewhumanitarian.org/analysis/2022/06/29/Burkina-Faso-displacement-coup-junta UNICEF, « Burkina Faso Humanitarian Situation Report No. 5 », 2022. [En ligne], consulté le 17.11.2022. https://reliefweb.int/report/burkina-faso/unicef-burkina-faso-humanitarian-situation-report-no-5-1-30-september-2022 UNOCHA, « Rapport sur le Burkina Faso », 2022. [En ligne], consulté le 02.11.2022. https://reports.unocha.org/fr/country/burkina-faso?_gl=1%2arkg15a%2a_ga%2aNzc3ODc1MTQ1LjE2Njg1Mjk3NjY.%2a_ga_E60ZNX2F68%2aMTY2ODUyOTc2Ni4xLjEuMTY2ODUzMDAzNS40OS4wLjA. ZAMPOU Lassina, « Mobilisation communautaire pour la protection des enfants au Burkina Faso », Les Politiques Sociales, 2016, p. 103-114. https://www.cairn.info/revue-les-politiques-sociales-2016-1-page-103.html Témoignage et informations de Monica Sanchez Bermudez, Chargée de Programme Afrique-Haïti pour Terre des Hommes Suisse. IMAGE : https://pixabay.com/fr/photos/enfants-jardin-d-enfants-sourire-205219/
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