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Le mariage des enfants au Mali : Briser les chaînes de l’oppression pour un avenir radieux (FR)

Daniela Iria Novais, Novembre 2023



Les jeunes filles se marient beaucoup trop tôt au Mali. En 2021, 61 % des filles étaient mariées avant 17 ans. Bien que des textes juridiques destinés à garantir la protection des enfants existent, il est constaté que les droits de ces derniers continuent d’être enfreints. Cette persistance de violations résulte de divers facteurs, parmi lesquels on compte la pauvreté, le niveau d’éducation des jeunes filles, la mutilation des parties génitales, la religion, ou encore la pandémie du COVID-19. Comment alors protéger ces jeunes filles ?



État des lieux


Au Mali, le mariage est permis pour les filles qui ont atteint l’âge de 16 ans et, dans certaines circonstances, lorsqu’elles ont atteint l’âge de 15 ans. Cette norme a été créée sous la pression des organisations islamiques. En effet, l’élaboration du nouveau code des personnes et de la famille par l’Assemblée nationale du Mali a suscité la mésentente des organisations islamiques du pays. L’Assemblée nationale du Mali, sous l’exigence des organisations islamiques, soumet une nouvelle version de la loi qui sera adoptée puis promulguée par le Chef de l’État en 2011.

Cependant, le mariage précoce n’est pas la seule norme problématique. La loi reconnaît également la validité des mariages religieux, même lorsqu’ils impliquent des personnes non consentantes, parfois des mineurs, voire des individus absents lors de la cérémonie du mariage.

Les personnes ayant un âge supérieur à 15 ans peuvent se marier avec l’autorisation du Chef Administratif de la circonscription et le consentement des parents. De plus, la plupart des mariages coutumiers ne sont pas enregistrés à l’État civil, surtout ceux impliquant des enfants en raison du manque de documents de naissance.


Ce qui encourage le mariage des enfants au Mali


Il y a diverses raisons qui font que le mariage des enfants est si courant au Mali. La première raison que l’on peut évoquer est la pauvreté. Le Mali est l’un des pays les plus pauvres au monde. Pour cette raison, certains parents marient leurs filles à un jeune âge afin de leur donner ce qu’ils pensent être une meilleure vie, réduire leur fardeau économique et ils peuvent demander une dot plus élevé pour le mariage de leur fille. Le niveau d’éducation est également un facteur qui influence le mariage précoce. Il a été constaté que la moitié des femmes qui n’ont reçu qu’une éducation primaire sont mariées avant l’âge de 18 ans, contrairement aux femmes qui auraient complété un second cycle d’éducation. De surcroît, d’après les chiffres de l’UNICEF, 89 % des femmes et des filles au Mali ont subi une mutilation de leurs parties génitales. La mutilation des parties génitales féminines est parfois considérée comme étant le symbole qu’une fille est prête pour le mariage. En outre, la religion ne peut pas être ignorée lorsque l’on parle de mariage. D’autant plus au Mali, où la modernisation du code des personnes et de la famille a dû être reconsidérée en raison de l’opposition des organisations islamiques du pays. L’islam est la religion la plus répandue dans le pays, et elle n’approuve pas les relations hors mariage. Pour éviter de potentielles grossesses hors mariage et autres comportements pouvant faire du tort à l’honneur de la famille, beaucoup de parents forcent leurs filles à se marier tôt.

La pandémie du COVID-19 n’a pas seulement eu un impact sur la santé mondiale. Au Mali, la pandémie a eu un impact significatif au sein des foyers les plus défavorisés et a exacerbé la vulnérabilité des enfants. La perte de revenus due à la crise a d’autant plus poussé ces foyers dans l’indigence et l’exclusion. La fermeture des écoles a impacté en majeure partie les enfants âgés entre 7 et 15 ans et cela a eu pour conséquence de rendre les jeunes filles encore plus susceptibles de subir des abus ou un mariage précoce.

Actions tentées


Plusieurs organismes se sont demandé comment contester cette loi fortement problématique. Parmi eux, l’association pour le progrès et la défense des droits des femmes (APDF), une ONG malienne, ainsi que l’Institut pour les Droits Humains et le Développement en Afrique (IHRDA), une ONG panafricaine. Toutefois, ce n’est pas une mince affaire. Au Mali, aucune possibilité de contestation n’est prévue pour les lois adoptées au Parlement, même si elles sont en désaccord avec la constitution du pays ou les accords internationaux que le pays a approuvés.

L’APDF, conjointement avec l’IHRDA, a déposé une plainte auprès de la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples pour dénoncer les atteintes aux droits des femmes et des enfants au Mali découlant de cette loi. Dans son verdict du 11 mai 2018, la Cour africaine a statué que l’âge minimal pour le mariage doit être de 18 ans pour les deux sexes, et que le consentement libre des personnes concernées est impératif.

De plus, les juges ont remis à l’ordre du jour les engagements du Mali : par sa ratification du Protocole de Maputo sur les droits de la femme et de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, il a consenti à l’obligation d’éradiquer les pratiques et les traditions qui vont à l’encontre des droits de la femme et de l’enfant. En adoptant une loi qui autorise le mariage de filles mineures, parfois non consentantes, et non présentes à leur propre mariage, le Mali ne respecte pas son obligation.

La Cour africaine a requis du Mali qu’il ajuste sa législation dans un délai de deux ans afin de la rendre compatible avec ses engagements internationaux. Par ailleurs, le Mali doit prendre des mesures visant à informer, enseigner, éduquer et sensibiliser sa population sur ces questions.

Malgré les avertissements de la Cour africaine, l’État du Mali n’a pas modifié l’âge légal du mariage. Le 20 octobre 2023, l’organisation « Avocats sans frontières Canada » a organisé un panel sur la problématique du mariage d’enfant au Mali lors duquel plusieurs habitants du Mali et du District de Bamako ont mené une semaine d’échanges et de réflexions afin de définir ensemble la thématique du panel, à savoir : « Le respect de l’âge matrimonial des filles ». Il s’agissait d’une alarme pour toutes les autorités concernées de veiller à l’application stricte de l’âge du mariage des filles comme le prévoient les textes nationaux et, toujours dans le but de lutter contre le mariage des enfants, d’ordonner les sanctions nécessaires.


Sur une note positive


Il est toujours possible d’amener un changement en ce qui concerne la problématique du mariage des enfants. Bintou, originaire du Mali, est la preuve qu’exprimer ses opinions peut avoir un impact. Le refus de Bintou d’accepter un mariage arrangé a renforcé sa position en tant que leader au sein du projet Tipping Point géré localement par CARE. Ce programme vise à développer les compétences en leadership, l’autonomisation et la conscience des droits des jeunes femmes. Le programme Tipping Point perçoit le mariage des enfants comme étant le symptôme d’un problème plus profond. Il naît des normes sociales qui entravent la liberté d’expression des filles et leur capacité à choisir leur propre avenir. Stimuler les filles à remettre en question ces attentes traditionnelles contribue à les aider à revendiquer leurs droits auprès des dirigeants locaux et de leurs communautés.


DANIELA IRIA NOVAIS


Bibliographie


Articles en ligne :


Affaire sur le combat contre les mariages précoces et les mariages forcés au Mali, par Amnesty International, publié le 25 juin 2023, consulté le 5 novembre 2023 (https://www.amnesty.org/fr/latest/campaigns/2023/06/affaire-sur-le-combat-contre-les-mariages-precoces-et-les-mariages-forces-au-mali/).


Case on the fight against forced and early marriage in Mali, by Amnesty International, the 26th June 2023, consulté le 5 novembre 2023 (https://reliefweb.int/report/mali/case-fight-against-forced-and-early-marriage-mali).


Mariage précoce : « Avocats sans frontières Canada » tire la sonnette d’alarme ! par L’Enquêteur, publié le 31 octobre 2023, consulté le 5 novembre 2023 (https://www.maliweb.net/societe/mariage-precoce-avocats-sans-frontieres-canada-tire-la-sonnette-dalarme-3041363.html).


Prevalence rates about Mali in Girls Not Brides, consulté le 5 novembre 2023 (https://www.girlsnotbrides.org/learning-resources/child-marriage-atlas/regions-and-countries/mali/).


Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, par l’UNICEF, consulté le 6 novembre 2023 (https://www.unicef.org/car/rapports/charte-africaine-des-droits-et-du-bien-être-de-lenfant).


Female genital mutilation (FGM), par l’UNICEF, en juin 2023, consulté le 6 novembre 2023 (https://data.unicef.org/topic/child-protection/female-genital-mutilation/).


#TakeTheMic : Comment la prochaine génération de filles s’exprime pour mettre fin au mariage des enfants au Mali, par Jocelyn Pederick et le personnel de CARE, le 5 octobre 2023, consulté le 6 novembre 2023 (https://www.care.org/fr/news-and-stories/news/international-day-of-the-girl-2023-mali/).


Protection des Filles : Harmoniser les lois sur le mariage des filles, publié le 26 avril 2023, consulté le 10 novembre 2023 (https://www.maliweb.net/societe/protection-des-filles-harmoniser-les-lois-sur-le-mariage-des-filles-3019824.html)


Textes juridiques :


Le Protocole à la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Femmes, adopté le 11 juillet 2003 (https://www.ilo.org/dyn/natlex/docs/ELECTRONIC/65556/63007/F2037633474/ORG-65556.pdf).


La Charte africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant, adopté le 11 juillet 1990 (https://www.african-court.org/wpafc/wp-content/uploads/2020/10/12-CHARTE-AFRICAINE-DES-DROITS-ET-DU-BIEN-ETRE-DE-LENFANT.pdf).

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