« Un enfant qui a peur d’aller à l’école est un enfant qui risque davantage d’être recruté par des groupes armés » (Bruno Maes, représentant de l’UNICEF en Haïti). En Haïti, entre octobre 2022 et février 2023, 72 écoles auraient été prises pour cible par des groupes armés, une école a été incendiée, un élève a été tué et au moins deux membres du personnel ont été enlevés. En considération de l’escalade de la violence par des groupes armés dans les zones urbaines, 30 écoles ont été fermées. D’après l’UNICEF, près de 1 million d’enfants ne sont pas scolarisés en Haïti en raison des troubles sociaux, de l’insécurité du pays, du coût élevé de l’éducation, du manque de soutien aux plus vulnérables et de la médiocrité des services éducatifs. De surcroît, les violences dirigées contre les écoles ne font qu’encourager les parents à garder leurs enfants à la maison plutôt que de les amener à l’école.
La situation actuelle en Haïti
En Haïti, les extorsions de gangs augmentent de manière exponentielle. Cette guerre de gangs n’épargne personne, tous en sont des victimes. Les bandes contrôlent désormais la moitié du territoire du pays. Haïti sombre dans le chaos. Haïti se trouve dans un état de pauvreté et de terreur extrêmes. À la capitale du pays, Port-au-Prince, des bandes armées contrôlent l’accès à l’eau, à la nourriture, aux soins de santé et au carburant. Selon l’ONU, 60% de Port-au-Prince est contrôlé par des groupes armés. Les hôpitaux ont été contraints de suspendre leurs activités. En effet, de violents affrontements entre des groupes rivaux lourdement armés se déroulent autour de certains hôpitaux. La conséquence qui en résulte est qu’ils se retrouvent dans l’incapacité de garantir la sécurité du personnel et des patients. Quelques hôpitaux continuent de fonctionner. Cependant, avec un personnel réduit et des médecins qui ne peuvent se déplacer, ils sont parfois débordés. Cette situation est problématique, car les blessés par balle ne cessent d’augmenter de toute évidence et il est difficile de prendre en charge l’entièreté des blessés à temps dans ces conditions. Une autre difficulté est le manque d’accès à l’eau potable. Ce manque a causé la résurgence du choléra en octobre dernier, sans compter qu’une personne sur deux est confrontée à la faim dans le pays. Le trafic illégal d’armes à feu de gros calibre est en nette hausse vers Haïti. Précisément, des pistolets et même des mitrailleuses lourdes « sont aujourd'hui importées clandestinement, dans un contexte de dégradation rapide et sans précédent de la sécurité ». C'est ce qu'a écrit l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
La situation désespérée du pays peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Depuis janvier 2023, Haïti ne compte plus aucun représentant élu au niveau national, alors que les gangs règnent sur le territoire. Selon Gédéon Jean, dirigeant du Centre d'analyse et de recherches en droits de l'homme, cette augmentation s’explique notamment par la conjoncture politique, mais pas uniquement. D’après lui, dans la mesure où les gangs sur le territoire haïtien reçoivent du financement de certains secteurs qui sont dorénavant ciblés par les sanctions, ils perdent une portion importante de leurs ressources financières. Gédéon Jean souligne que l’accroissement de la violence et du kidnapping pourrait être un moyen pour les gangs de combler ce manque à gagner. Il émet pour seconde hypothèse qu’il pourrait s’agir d’une lutte entre gangs rivaux pour conquérir des territoires.
Les conséquences sur le système éducatif du pays
En Haïti, les écoles sont les victimes d’actes de violence armée. Parmi ces actes, les plus fréquents sont les fusillades, les saccages, les pillages et les enlèvements. Ces actes de violence armée sont dus à l’insécurité croissante du pays. Les groupes armés envisagent le pillage des écoles comme étant une alternative lucrative à d’autres formes d’extorsion et de criminalité. De nombreux biens sont visés lors des pillages des écoles. Parmi les biens volés, on trouve les bureaux, les ordinateurs, en passant par les batteries et les panneaux solaires, sans oublier les sacs de riz ou de maïs de la cantine, produits capitaux en Haïti où la moitié de la population souffre d’insécurité alimentaire.
L’occupation des gangs sur le territoire d’Haïti paralyse le système éducatif du pays, à tel point que certaines écoles ont été dans l’obligation de fermer. En Haïti, les écoles qui avaient toujours été respectées, ne sont plus considérées comme étant des refuges pour les enfants. Désormais, elles sont les cibles des attaques et des violences commises par les gangs armés.
Le droit à l’éducation
Actuellement, le droit à l’éducation à Haïti n’est pas respecté. Élèves et enseignants sont victimes des gangs armés, ils sont mortellement touchés par des balles en pleine salle de classe. Cependant, les fusillades ne sont pas le seul danger auquel ils doivent faire face sur le chemin de l’école. Des cas de kidnapping d’enfants et de parents devant les écoles ont également été signalés. Enfants comme enseignants vivent un stress au quotidien en raison de la situation sécuritaire alarmante du pays. Les enseignants se retrouvent dans l’obligation de jouer le rôle de psychologue dans la mesure où les enfants ne peuvent pas apprendre dans de telles conditions.
Actuellement, des responsables d’organisations socio-professionnelles de l’éducation se mobilisent avec le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle afin de défendre le droit à la vie et le droit à l’éducation. Parmi ces organisations socio-professionnelles, on y trouve le Consortium du Secteur Privé de l’Éducation (COSPE), la Commission Épiscopale pour l’Éducation Catholique (CEEC), la Fédération des Écoles Protestantes d’Haïti (FEFH) et l’association professionnelle des directeurs d’écoles privées. Le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle informe que les directeurs d’écoles ont souligné la difficulté pour l'apprentissage dans les écoles dans ce contexte de violence aggravée. Ces derniers notent également que, plus qu’un problème d’apprentissage chez les élèves, le plus grand souci relève de l’absence de ressources humaines. En effet, les enseignants ont fui leurs zones pour aller dans d’autres régions plus clémentes, voir même, quitter le pays.
D’après Roody Edmé, éducateur, rédacteur, responsable et éditorialiste de la section internationale du Matin, Haïti n’est pas encore prêt pour l’apprentissage en ligne en raison du bas niveau des infrastructures, l’internet reste un défi majeur, en particulier pour les apprenants. Il faut qu’un véritable plan national d’éducation soit élaboré, il faut repenser un système éducatif afin que les enfants puissent reprendre le chemin de l’école sans craindre quotidiennement le danger d’être tués ou kidnappés.
Daniela Iria Novais, le 12 mars 2023
Sources :
https://www.unicef.fr/article/haiti-neuf-fois-plus-de-violence-armee-contre-les-ecoles-en-un-an/ : UNICEF, Communiqué de presse, Haïti : neuf fois plus de violence armée contre les écoles en un an, publié le 9 février 2023.
https://news.un.org/fr/story/2023/02/1132197 : Nations Unies, ONU Info L’actualité mondiale Un regard humain, La situation en Haïti est désespérée mais il est possible de renverser la donne, selon l’ONU, publié le 10 février 2023.
https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/les-ecoles-de-plus-en-plus-cibles-par-les-gangs-armes-en-haiti-1365626.html : Guadeloupe La 1ère, Les écoles de plus en plus ciblées par les gangs armés en Haïti, publié le 11 février 2023.
https://www.tdg.ch/lonu-salarme-de-la-violence-des-gangs-dans-le-pays-542364929704 : Tribune de Genève (TdG), Monde, Haïti : L’ONU s’alarme de la violence des gangs dans le pays, publié le 24 février 2023.
https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20230306-%C3%A0-la-une-port-au-prince-dans-l-enfer-des-gangs : Radio France Internationale (RFI), Revue de presse des Amériques, À la une : Port-au-Prince dans l’enfer des gangs, publié le 6 mars 2023.
https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20230310-ins%C3%A9curit%C3%A9-en-ha%C3%AFti-msf-ferme-temporairement-son-h%C3%B4pital-%C3%A0-cit%C3%A9-soleil : Radio France Internationale (RFI), Revue de presse des Amériques, Insécurité en Haïti : MSF ferme temporairement son hôpital à Cité Soleil, publié le 10 mars 2023.
http://www.lenational.org/post_article.php?pol=3266 : Le National, Recrudescence de l’insécurité, Le droit à l’éducation en Haïti et l’avenir des enfants hypothéqués, publié le 10 mars 2023.
https://www.etonnants-voyageurs.com/Roody-Edme-Haiti-annee-zero.html : Saint-Malo, Étonnants Voyageurs, Roody Edmé : « Haïti, année zéro ? », publié en 2010.
Comments