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De l’enfance reniée à la résilience naissante : (FR)

mobilisation et démobilisation des enfants-soldats du FARC en Colombie



Entre guerre civile et démilitarisation, du chaos de la guérilla à la paix, les enfants-soldats est un sujet crucial qui questionnent l’avenir et la reconstruction après les Accords de Paix de 2016.

Sara Meshesha—Hallez, Novembre 2023




Dans un contexte mouvementé, oscillant entre guerre civile entre libéraux et conservateurs et leur volonté de contrôle sur le pays, s’affrontaient les cartels de drogue et les groupes paramilitaires. Parmi les acteurs, nous pouvions voir naître les Forces Armées révolutionnaires (FARC), l’unité d’autodéfense de Colombie (AUC) et leur regroupement, l’unité d’autodéfense de Colombie.


Considéré comme des terroristes par la plupart des Colombiens et les pays occidentaux, et comme des « Robins des bois » par une partie de la population rurale, les FARC s’affirment en tant que communiste marxiste et luttent pour l’affirmation politique des populations rurales, oppressés et marginalisés par les instances politiques. Dans ce chaos, l’utilisation d’enfant-soldats lors des guérillas était nouvelle et n’interviendrait réellement qu’à partir des années 1990. Ce n’est qu’en 1996 que le premier rapport sur ce nouveau « type » de combattants tomba : dans les unités des guérillas urbaines, nous pouvions décompter plus de 30% d’enfants et le pourcentage monte jusqu’à 85% pour les milices urbaines . L’utilisation d’enfants-soldats remet en cause l’innocence et le futur de ces enfants et compromet la future génération d’adultes qui composera le pays.


Les enjeux sont multiples et nous nous attarderons sur plusieurs d’entre eux, tels que les raisons de leur enrôlement, leur rôle et finalement nous nous interrogerons sur les processus de démobilisation et des Accords de Paix.

Pour situer notre sujet, voici la définition et les rôles des enfants-soldats, d’après UNICEF :

une personne âgée de moins de 18 ans qui est, ou qui a été, enrôlée ou utilisée par une force armée ou un groupe armé à quelque titre que ce soit, y compris, mais non exclusivement, les enfants, garçons ou filles, utilisés comme combattants cuisiniers, porteurs, espions ou à des fins sexuelles

Trois grands risques ont été retenu pour l’enrôlement des enfants : le fait de venir d’une zone pauvre et désavantagée, le fait d’habiter dans une zone de combat et le fait d’être séparé de sa famille. Même si 81% des enfants déclarent avoir rejoint ces groupes militaires de manière volontaire, il semblerait, cependant, qu’il y ait eu des recrutements forcés dans certaines régions. Pour ces enfants, l’enrôlement est une opportunité de sortir de la misère des milieux ruraux et de faire le libre exercice de leur volonté. Ce système est une exploitation de la vulnérabilité des mineurs par les groupes armés illégales. Ils créent un fantasme du guerrier fort et imbattable en leur promettant de l’argent dans un futur meilleur. Par ailleurs, ils leurs offrent à manger, des vêtements et une protection. A leurs yeux, les groupes paramilitaires sont une chance d’être aimé et considéré, ainsi que d’avoir de l’argent et une arme. Une fois le recrutement terminé, les combattants ne peuvent pas partir, et ils savent que s’ils désertent c’est au prix de leur vie.


En ce qui concerne l’âge moyen de recrutement, en 2012 elle était à 12,1 ans et 69% des enfants enrôlés n’avaient pas encore atteint l’âge de 15 ans. Les chiffres diffèrent selon le sexe : 47% garçons mineurs dans les guérillas, et 50% dans les groupes paramilitaires pour les filles, chiffre qui est en augmentation. La volonté de ces jeunes filles est que leur enrôlement vise une émancipation et une autonomisation dans une structure rigide, hiérarchique et tout de même foncièrement sexiste, dans le but de quitter les abus sexuels et la maltraitance qu’elles peuvent subir chez elles.


Malgré cette vision plutôt égalitaire dans leur traitement, elles peuvent, tout de même, subir des viols et des agressions sexuelles : il est courant de voir une relation se créer entre un commandant adulte et une jeune fille, le commandant utilisant sa position de pouvoir pour la manipuler. Dès l’âge de douze ans, ces enfants sont incités à prendre des moyens de contraception et d’avorter, si elles tombent enceinte.


Il n’est que depuis 2002 qu’une législation nationale et internationale régit que le recrutent des mineurs est un crime de guerre. Les chiffres entre 2002 et 2020 sont inexactes mais il y aurait eu plus de 14'200 enfants recrutés, et seulement 5'503 ont été démobilisés d’après le Haut-Commissariat pour la Paix. Près de 8'700 anciens combattants adultes colombiens avouent avoir été enrôlés enfants.


Comme nous avons pu le voir, le manque d’infrastructure , d’éducation et de liens sociaux avec une communauté pousse les enfants à s’enrôler dans les groupes armés qui prétendent les combler. Nous pouvons donc nous interroger si, maintenant, quelques années après la signature des Accords de Paix, il y a une baisse d’enrôlement des enfants.


« Programa Camino Diferencial de Vida » (« un autre chemin de vie »), instauré début 2017 est un programme, ayant comme objectif principal de garantir à tous les mineurs qui quittent le FARC, de disposer des outils nécessaires pour la reconstruction et la consolidation de leur projet de vie. Ainsi, le processus de démilitarisation, de désarmement et de réintégration (DDR) se construit en quatre étapes : d’abord la sortie et l’accueil transitoire, puis le rétablissement des droits, la réparation complète et finalement, la réincorporation et l’inclusion sociale. Afin que l’initiative soit complète et rende justice aux enfants, les membres du FARC se sont rendus coupables de recrutement de mineurs au cours de conflits armés et ne peuvent pas être amnistiées pour ce crime. Cette démilitarisation, démobilisation et réintégration s’est faite dans le cadre des Accords de paix entre les FARC avec le gouvernement de Juan Manuel Santos, en novembre 2016.La signature officielle montre les trois engagements du groupe armés, la fin du recrutement des mineurs, la libération des camps des enfants ayant moins de 15 ans, et l’adoption des mesures permettant la libération de tous les mineurs enrôlés dans les camps des FARC.


Le contexte de ces dernières décennies en Colombie a engendré une vision ambiguë de l’enfant : à la fois victime, car non-responsables et menace, du fait des risques de ré-recrutement. Du fait, de leur majeure participation dans les violences et conflits, il serait bénéfique de leur laisser participer politiquement à leur futur. D’un coté, leur engagement positif et proactif leur permettrait d’avoir une chance d’être entendu et pris en compte de manière signifiante, de l’autre côté, pour les adultes, les enfants pourraient avoir un regard nouveau sur la construction de la paix. Ainsi, ils pourraient être acteurs de leur reconstruction : créer leur futur par et à travers eux-mêmes. Cependant, les Accords de Paix et la DDR sont inutiles sans de réelles opportunités de reconstruction. L’enjeu est donc le financement et la pérennité des institutions dites de « reconstruction ». Par la création d’un environnement qui correspond et permet la construction d’un futur et d’une résilience à ces adultes de demain.





Bibliographie

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  15. Gobierno de Colombia (novembre 2016). Acuerdo final para la terminaciòn del conflicto y la construcciòn de una Paz estable y duradera. Haut-Commissariat pour la Paix [en ligne] https://peacemaker.un.org/sites/peacemaker.un.org/files/Colombia%20Nuevo%20Acuerdo%20Final%2024%20Nov%202016_0.pdf

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