Grandir dans l’ombre du stress maternel en contexte migratoire - Du trauma à la résilience
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Par Fany Rixen
La migration est souvent un parcours de courage et d’espoir, derrière lequel il y a un
trajet d’exil, des histoires de pertes, d'incertitudes, de peur. Pour de nombreuses mères, le
départ signifie quitter leur pays, leur langue, leur famille, mais aussi et surtout affronter un
stress continu lié à la survie. Beaucoup de ressources sont exigées pour l’adaptation. Ce
stress, une fois installé, peut laisser une empreinte profonde sur le développement de l’enfant, et ce dès la grossesse ou dans les premiers mois de sa vie.
Ainsi, comprendre le lien entre stress maternel, trauma migratoire et développement de
l’enfant ne relève pas seulement de la recherche clinique : c’est un enjeu de protection,
d’éducation et de justice sociale. Car accompagner une mère dans sa résilience, c’est aussi
offrir à son enfant la possibilité de s’intégrer, d’apprendre et de participer pleinement à la
société qui l’accueille.
Les recherches récentes en psychologie du développement et en neuropsychologie
montrent que le stress maternel prénatal augmente davantage le risque de trouble
neurodéveloppemental (TND) (Nugent et al., 2018), tant chez le garçon que chez la fille. Il
agit aussi sur la fonction placentaire en réduisant le niveau de OGT (monosaccharide) qui est
impliqué dans la régulation métabolique et la programmation développementale. Cela induit ensuite des phénomènes en cascade sur les protéines de régulation du génome.
Ensuite, durant la petite enfance, le stress a un effet sur le développement socio-émotionnel des garçons. Quant aux filles, il y aurait plutôt des conséquences sur le développement exécutif, cognitif et moteur (Andiarena et al., 2017). Toutes ces données montrent que le stress maternel chronique n’affecte pas seulement le bien-être émotionnel : il influence la programmation neurodéveloppementale du fœtus et la régulation émotionnelle de l’enfant.
Ces effets peuvent se manifester plus tard et s’étaler sur plusieurs générations. Pour les
enfants de familles migrantes, ces vulnérabilités s’ajoutent aux défis de l’intégration, du
bilinguisme, de la stigmatisation ou de la précarité.
Le TDAH est un trouble multifactoriel : le stress et la dépression maternelle augmentent la probabilité d’expression de vulnérabilité génétique. Sur le plan neuropsychologique, nous pouvons observer des difficultés de maintien de la vigilance et de l’attention soutenue, des difficultés de régulation des ressources attentionnelles, des déficits en mémoire de travail, encodage, stockage, la présence d’une impulsivité et d’une précipitation.
Toutes ces caractéristiques ont des conséquences psychosociales et scolaires. Souvent,
des échecs et des décrochages scolaires sont observés. Une mauvaise intégration sociale, une basse estime de soi, des risques accrus d’accidents et blessures peuvent aussi être présents.
Parfois il y a des tendances à la consommation de substances. Ces enfants sont souvent
incompris, leurs comportements traduisent un déséquilibre neurodéveloppemental et
émotionnel, et non pas une « mauvaise volonté ».Si nous résumons les différents points abordés ici, un enfant né dans un contexte de stress maternel migratoire cumulerait un risque biologique, psychologique et social. Cela risque de compromettre sa santé mentale et l’accès à son éducation qui, pourtant, sont les deux points principaux pour son intégration et sa participation sociale. On observe ainsi un cercle vicieux : le stress de la mère engendre le stress de l’enfant, qui devient à son tour une source de stress pour la famille et le système éducatif.
Le plus important, dans ces cas-là va, être de soutenir la mère et l’enfant grâce à des
interventions, aussi précoces qu’elles puissent être pour minimiser les conséquences
négatives. Elles peuvent se concentrer sur la mère et sur son stress périnatal, ou bien plus tard dans le processus en faisant des repérages précoces des TND.
Protéger la mère, c’est protéger l’enfant. Les politiques de protection de l’enfance
doivent intégrer le soutien psychologique aux mères migrantes comme un levier de
développement durable. L’accompagnement des familles migrantes n’est pas seulement une aide humanitaire, c’est aussi une action de santé publique et de justice sociale. Le stress
maternel migratoire peut influencer durablement la santé mentale et le développement de
l’enfant. Mais grâce à un accompagnement global — psychologique, éducatif et social —, ces trajectoires peuvent être réparées. L’enjeu est d’assurer à chaque enfant le droit fondamental de grandir, apprendre et participer pleinement à la société, quelles que soient les conditions de départ.
Bibliographie
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Mayor, C. (n.d.). Cours de neuropsychologie de l’enfant et de l’adolescent : Troubles
neurodéveloppementaux – Facteurs de risque et trajectoires de l’enfance à l’âge adulte.
Chan, J. C., Nugent, B. M., & Bale, T. L. (2018). Parental advisory: Maternal and paternal
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